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Face à l’intensification du dérèglement climatique, comment préserver et adapter l’agriculture guadeloupéenne ?

 

 

Qu’est ce que l’adaptation ?

 

Tandis que l’atténuation vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter l’ampleur des dérèglements climatiques, l’adaptation consiste à faire face aux impacts de ces changements.

Elle est aujourd’hui reconnue comme un pilier essentiel des politiques climatiques, aux côtés de l’atténuation. Elle s’inscrit dans un cadre international (Accords de Paris, rapports du GIEC), européen (Pacte Vert pour l’Europe, stratégie d’adaptation de l’UE) et national (PNACC 3).

 

Des impacts climatiques déjà visibles

 

Le changement climatique est déjà une réalité tangible pour l’agriculture guadeloupéenne, avec plusieurs phénomènes marquants :

– Une hausse des températures, qui pose de nouveaux défis en matière de santé humaine, de rendement agricole, de gestion de l’eau, etc.

les vagues de chaleur qui favorisent l’émerge ou la réémergence de pathogènes et de maladies

– Une augmentation des cyclones très intenses, causant des dégâts majeurs, même lorsqu’il ne s’agit que de tempêtes modérées : rupture de canalisations, effondrement de ponts, inondations, etc.

– Une augmentation de pluies intenses et d’autre part des sécheresses chroniques qui ravagent les cultures (dégradation des sols, lessivage des nutriments, prolifération des parasites) et nécessitent une adaptation constante des méthodes agricoles.

– L’intrusion saline dans les terres et nappes phréatiques à cause de l’élévation du niveau de la mer, menaçant leur qualité.

Ces multiples phénomènes ont des conséquences directes sur notre agriculture dont la baisse de rendements, l’abandon de certaines cultures et les risques sanitaires accrus pour les cultures et les animaux d’élevage. Des agriculteurs témoignent d’un changement dans leurs pratiques, comme la reconversion partielle du maraîchage vers l’agro-transformation, faute de conditions favorables.

 

Une adaptation incontournable face à l’urgence climatique

 

S’adapter à ces défis climatiques suppose de modifier les pratiques, mais aussi d’envisager de nouvelles formes de production, de coopération et d’alimentation :

– Une gestion plus fine et partagée de l’eau est essentielle pour garantir l’accès équitable à la ressource hydrique (réhabilitation de mares, mise en place de systèmes de récupération, accompagnement technique renforcé).

– Un retour à une agriculture plus sobre, plus diversifiée, plus autonome, plus résiliente et moins dépendante aux intrants (jardins créoles, polyculture-élevage, agroforêts).

– Un accompagnement plus ciblé et différencié, notamment pour favoriser l’installation des jeunes, la transmission des savoirs et la valorisation du travail agricole.

Mais l’adaptation ne désigne pas une simple série d’ajustements techniques. Elle implique d’opérer des choix de société, des renoncements et potentiellement, de repenser dans son ensemble un système agricole héritier d’un passé colonial, basé sur deux monocultures dominantes destinées à l’exportation et qui captent la majorité des aides.

Elle invite à se tourner vers une agriculture durable qui nourrit sa population dans un contexte d’insécurité alimentaire provoquée par le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité.

 

Vers une souveraineté alimentaire locale ?

 

Sur le plan économique, la tendance observée depuis plusieurs décennies est préoccupante : la production de canne à sucre est passée 738 000 tonnes en 2010 à 545 000 tonnes en 2023, et la production de fruits (hors banane) a diminué de moitié en dix ans (Source : Agreste, DAAF).

La production agricole est en baisse tendancielle sur l’ensemble des filières et la surface utile agricole recule d’environ 1% par an depuis 30 ans malgré une récente amélioration.

Cette baisse s’explique en grande partie par les maladies qui affectent les cultures et renforcée par les difficultés rencontrées par les agriculteurs, dont le manque d’eau, les problèmes liés à la propriété foncière, un renouvellement insuffisant des générations d’exploitants, etc.

Face à ce déclin de l’agriculture guadeloupéenne, la question de l’autonomie alimentaire se pose avec encore plus d’âpreté. Cela implique une réorientation des politiques agricoles, une diversification des productions et un engagement fort des consommateurs.

En effet, malgré les efforts pour réduire les coûts des produits bio et locaux, la consommation de produits issus du territoire reste marginale. Il est donc impératif, entre autres, de renforcer les actions de sensibilisation pour valoriser les produits locaux et faire évoluer les habitudes alimentaires. Moins d’aliments transformés, moins d’importations, moins de viande, en particulier la viande rouge. C’est aussi réapprendre à cuisiner et valoriser les produits du terroir.

 

Quelles transformations ambitieuses pour adapter l’agriculture guadeloupéenne au changement climatique ?

 

Pour réussir cette adaptation, il est indispensable entre autres de :

– Engager un virage radical vers l’agroécologie et la polyculture élevage,
– Endiguer le recul des terres agricoles,
– Poser la question de la redistribution des aides entre les filières afin qu’elle soit plus favorable à une agriculture destinée au marché local, ce qui contribuerait à l’atteinte des objectifs d’autonomie alimentaire,
– Garantir aux agriculteurs un revenu digne.

Par ailleurs, la réussite de cette adaptation repose également sur les consommateurs. Il ne s’agit pas seulement de produire autrement, mais aussi de consommer autrement, en acceptant que la qualité et la durabilité aient un coût.

Adapter notre modèle agricole à un climat qui change et une biodiversité qui s’effondre ne peut donc se penser sans un changement profond de nos manières de produire, de consommer, de vivre et sans ouvrir un dialogue territorial visant à coconstruire des solutions viables, réalistes et partagées pour engager une transformation ambitieuse du modèle agricole guadeloupéen.

 

EN SAVOIR PLUS

Cet article a été rédigé à partir de la restitution de notre conférence-table ronde “Déclic Adaptation” sur le thème : “L’agriculture guadeloupéenne face au changement climatique : quel avenir ?”

Télécharger la synthèse complète

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