RAPPORT DU GIEC 2022 : Qu’en est-il pour les territoires insulaires Caribéens ?

Impacts, vulnérabilité et adaptation au changement climatique dans la Caraïbe.

Le chapitre 15 du 2ème volet du rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat), consacré à l’étude des territoires insulaires, met en exergue la vulnérabilité importante des populations et de la biodiversité face au changement climatique, dans ces régions.

Le constat est là et fait écho aux données présentées par le rapport sur le Changement Climatique et Conséquences sur les Antilles Françaises (C3AF) qui pointait du doigt une augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements climatiques extrêmes d’ici la fin du siècle (cyclones, sécheresses, pluies) dans les Caraïbes. Détaillons cela !

Diminution de la ressource en eau

La ressource en eau essentielle et parfois manquante pour subvenir aux besoins des populations d’un point de vue sanitaire et agricole s’amoindrira.

Un réchauffement supplémentaire de 0.2° à 1.0°C dans les Caraïbes pourrait conduire à une région principalement plus sèche (5% à 15% de moins de pluie qu’aujourd’hui), à une plus grande fréquence de sécheresses et à des répercussions connexes sur la production et le rendement agricole.

Les projections du risque de sécheresse dans les Caraïbes, prenant compte des observations de scénarii socio-économiques, indiquent qu’une augmentation de 1.0°C de la température pourrait en plus d’impacter le secteur agricole, augmenter de 60% le nombre de personnes qui y subiront un stress hydrique entre 2043 et 2071.

Extinction massive des espèces

Concernant la biodiversité des territoires insulaires mondiaux, l’étude révèle que les risques d’extinction sont plus élevés pour les espèces situées dans les zones sensibles où l’environnement est fragile ou vulnérable à l’activité humaine. Dans ces zones, au-dessus de 1.5 °C d’augmentation, 24% des espèces seront classées à très haut risque d’extinction, et la totalité des espèces endémiques s’y trouvant disparaitra.

Actuellement en Guadeloupe 15% des espèces animales (vertébrés sauf poissons marins et invertébrés) sont menacées. (Source : Parc National de la Guadeloupe). Parmi les milliers d’espèces en péril dans les Caraïbes, beaucoup sont des espèces d’importance écologique, culturelle et économique tels que la couleuvre des Antilles ou encore l’iguane des Petites Antilles.

Le rapport du GIEC soutient qu’en raison de l’évolution de l’habitat et du climat, beaucoup de celles-ci ne sauront plus où se réfugier. En effet pour 75% des espèces autochtones identifiées, seulement 42% du territoire guadeloupéen sera considéré comme une zone de refuge pour celles-ci dans le cas d’une augmentation de 1.5°C. A 2.0°C d’augmentation, seul 26% du territoire pourra leur servir de refuge. Leur zone d’habitabilité sera réduite presque de moitié !

La faune et la flore marine seront aussi fortement impactées car au-dessus de 1.5°C, la projection prévoit une perte supplémentaire de 70 à 90 % des récifs coralliens, 99 % des coraux étant perdus pour un réchauffement de 2.0°C ou plus par rapport à la période préindustrielle.

Cette catastrophe est et sera amplifiée par les arrivées massives d’algues Sargasses provenant du Brésil et impactant la région des Caraïbes depuis 2011. Ces proliférations extraordinaires et les dépôts importants de ces algues pélagiques sur les plages des Petites Antilles provoquent des dommages aux habitats côtiers ainsi que la mortalité des herbiers marins et des coraux associés.

Impacts sur les populations

Depuis 2017, la moitié des habitants de la Caraïbe soit 22 millions de personnes vivent à moins de 6 mètres d’altitude. Le scénario RCP8.5 prévoit une élévation du niveau de la mer de 50cm entre 2046-2065. La vulnérabilité de ces populations face à l’aléa de submersion marine sera amplifiée. Pour rappel, en 2017, lors du passage de l’ouragan Irma, 22 des îles caribéennes ont été impactées par la houle cyclonique.

L’augmentation prévue de ces évènements extrêmes fera augmenter proportionnellement le risque d’impact sur la population guadeloupéenne. L’étude C3AF, informe que 6% de la population de l’île est soumise au risque de submersion marine, 9% par le risque d’inondation et ¼ du trait de côte total soit 160km sera en érosion à l’horizon 2030. Cette exposition aux inondations à conduit à la mort de 23 personnes depuis 1950. Malheureusement, 66% de la population ne se sent pas concerné ou peu par le changement climatique soit une importante part de celle-ci qui ne se considère pas vulnérable et ne rentrera pas seule dans un processus de résilience. (Source : C3AF).

Les prévisions suggèrent que les caribéens connaitront de surcroit, des épisodes de poussières sahariennes et d’arrivées massives de sargasses importants avec une incidence sur la santé humaine (asthme, inhalation d’hydrogène sulfuré).

En plus du bilan humain, le bilan matériel est déjà chiffré. L’OREC Guadeloupe évaluait les dommages matériels en zone pointoise à 17M euros en 2019 et 21M euros en 2050 si aucun dispositif efficace n’est réalisé pour faire face à ces aléas. (Source OREC-Guadeloupe, 2018)

Les impacts du changement climatique sur les zones côtières et basses vulnérables des territoires insulaires présenteront de graves menaces concernant la protection de la vie humaine et les moyens de subsistance. La migration liée au climat augmente, cependant les estimations du GIEC sont encore très imprécises sur le sujet. A noter, qu’après l’ouragan Maria, Porto Rico a été témoin de l’exode de 14% de sa population (soit 470 000 habitants) pour rejoindre le continent américain, en seulement 2 ans.

La réduction de l’habitabilité des petites îles est un risque important global causé par une combinaison de risques clés auxquels font face la plupart des petites îles, même dans un scénario de température mondiale de 1.5 °C.

Il s’agit de :

  • la perte de la biodiversité marine et côtière et des services écosystémiques
  • la perte de la biodiversité terrestre et des services écosystémiques
  • la submersion du littoral
  • l’insécurité de l’eau
  • la destruction des établissements et infrastructures 
  • la dégradation de la santé, le déclin économique et l’échec des moyens de subsistance
  • la perte des ressources culturelles et du patrimoine

Une résilience essentielle

Les changements océaniques liés au climat, y compris ceux qui se produisent à un rythme lent, et l’intensification des événements extrêmes entraîneront et/ou amplifieront les risques clés dans la plupart des petites îles. L’identification des principaux risques facilitera la sélection d’options d’adaptation. De plus, elle permettra de lister les avantages et/ou inconvénients ainsi que les conséquences à long terme du choix de ces options.

L’étude remarque que certaines collectivités insulaires sont résilientes grâce à de solides filets de sécurité sociale et à un capital social qui appuient les interventions et actions déjà en cours, mais il y a peu d’information sur l’efficacité des pratiques d’adaptation et l’ampleur des mesures nécessaires. Ceci est dû en partie à la nécessité de mieux comprendre les limites de l’adaptation et de ce qui constitue la résilience actuelle et/ou une adaptation réussie dans les contextes des territoires insulaires caribéens.

Ces facteurs nécessitent :

  • une meilleure gouvernance et réformes juridiques
  • l’amélioration de la justice, de l’équité et de l’égalité entre les sexes
  • le renforcement des capacités en ressources humaines
  • l’augmentation des mécanismes de financement et de transfert des risques
  • des programmes d’éducation et de sensibilisation
  • un accès accru aux informations sur le climat
  • une meilleure intégration des connaissances autochtones en complément des données scientifiques dans les processus d’analyses des impacts du changement climatique

Ces mesures sont considérées comme significatives par le rapport pour faire face au défi climatique dans les Caraïbes.

En conclusion

À mesure que le niveau de la mer s’élève et que les événements extrêmes s’intensifient, les communautés insulaires font face à des limites en raison de contraintes financières, institutionnelles et socioéconomiques et d’un court délai pour la mise en œuvre d’adaptations concernant les aléas auxquels elles sont soumises. Ces petites nations insulaires seront les plus vulnérables. Le rapport du GIEC propose des solutions qui comprennent la dissuasion des développements dans les domaines à risque élevé et la lutte contre les vulnérabilités sociales actuelles. Il souligne que l’accès et la mobilisation de ressources financières adéquates pour les régions vulnérables constituent des facteurs catalyseurs importants pour un développement et une gestion des risques climatiques.

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